Rite Ancien et Primitif de Memphis Misraïm

Filiations et convergence au sein du Rite
Texte de Marie-Christine Dauge et Jean-Pascal Pillot

Sources anciennes

Jean Bricaud (1881-1934) revient, en 1933, dans Notes Historiques sur le Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm, sur les maçonneries dites occultes du XVIIIe siècle : « Le Rite de Memphis-Misraïm est l’héritier des traditions maçonniques du XVIIIe siècle, dont il a gardé les sages principes, la force morale et la discipline. Il tire son origine de la Maçonnerie Occulte des Philalèthes de Paris, des Frères Architectes Africains de Bordeaux, de l’Académie des Vrais Maçons de Montpellier, du Rite de Pernety d’Aνignon, et surtout du Rite Primitif des Philadelphes de Narbonne. »

C’est, en effet, à partir de 1744-1748 que l’idée d’une maçonnerie égyptienne commence à se faire jour°: le nom du rite créé par le prince di Sansevero en 1745 est « Rite de Misraïm » . Nombre de ceux qui, de près ou de loin, s’intéresseront ou seront à l’origine de ce que l’on peut appeler la maçonnerie hermétique ont des liens avec Naples dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.

On peut citer le chevalier d’Aquino, fils puîné du Prince Caramanico, franc-maçon, alchimiste, hermétiste, membre de la Loge « la Perfetta Unione » de l’Obédience napolitaine dont Vincenzo di Sangro di Sansevero, fils du prince Raimondo di Sangro, était le grand Grand maîtreMaître, après son père. Cette loge, en 1771, pratiquait toujours un rituel Égypto-templier.

Mais également le baron de Tschoudy, ami du prince Raimondo di Sangro, qui servit dans un régiment de gardes suisses commandé par l’oncle du prince Raimondo di Sangro. Il écrivit un système complet de grades alchimiques que l’on peut toujours étudier de nos jours. Tschoudy n’affirmait-il pas, en écrivant les rituels du « Conseil Suprême des Princes Maçons » , que l’initiation maçonnique remontait aux anciens Égyptiens…

Et bien sûr on ne saurait passer sous silence le grand Cophte, Joseph Balsamo, dit Cagliostro : Né à Palerme le 2 juin 1743, il rencontre le Chevalier chevalier d’Aquino, de quatre ans son aîné, lors d’une traversée vers Malte, en 1766. Cagliostro a alors 23 ans. C’est le chevalier d’Aquino qui l’instruit, pendant plusieurs mois, à Malte même, où ils sont reçus par le Grand Maître, Pinto da Fonseca. C’est le chevalier qui sera vraisemblablement à l’origine du mythique alchimiste Althotas, que Cagliostro décrira plus tard comme son maître, lorsqu’il contera ses fabuleux voyages en Orient, voyages qui ont peut-être existé mais qui sont sans doute totalement mythiques, recouvrant bien d’autres choses. C’est ce même Luigi d’Aquino qui l’introduit, après le séjour à Malte, dans le milieu hermétique napolitain, où Cagliostro rencontre, en 1765, le prince di Sansevero. D’Aquino lui transmet de nombreux secrets, alchimiques et médicinaux qui lui permettront ensuite de se faire une grande réputation de mage et de thaumaturge.

Après diverses péripéties, dues à leur appartenance maçonnique – les persécutions contre les francs-maçons ayant repris en Italie à partir de 1775, avec la parution de la pragmatique anti-maçonnique du pape Pie VI – Cagliostro se réfugie en France et le Chevalier chevalier à Malte.

Pour ce qui est de cette appartenance maçonnique, l’on sait que le chevalier était franc-maçon depuis plusieurs années1763, date à laquelle il s’affilie à la « Mère Loge écossaise de Marseille » , mais, bien que Cagliostro ait été reçu à Marseille en 1775 comme « dépositaire des secrets des pyramides » , il ne devint franc-maçon que l’année suivante, en avril 1776, à « l’Esperance Lodge » de Londres.

En 1780, Cagliostro revient en France, à Strasbourg d’abord, où il reste quelque temps et où il retrouve d’Aquino en 1782. Celui-ci repart ensuite à Naples, mais appelle Cagliostro à son chevet en 1783, et décède en septembre 1783. Toutefois, avant sa mort, il transmet à Cagliostro trois très hauts grades hermétiques déposés à Naples et connus sous le nom « d’échelle de Naples » ou « régime de Naples ». Ces « Arcana Arcanorum », lointains échos d’une pratique des mystères antiques, sont, d’après Gastone Ventura, une voie alchimique interne, voire de l’immortalité acquise sur terre par la constitution d’un « corps de gloire » .

Cagliostro part alors pour Paris où il crée, ou importe, devenant « le Grand Cophte », un rituel maçonnique égyptien dans lequel il enseignait le chemin de l’initiation réelle par la voie des purifications et des expériences de théurgie, mettant ses élèves en contact avec des réalités supérieures.

En 1785, il est entraîné par le Cardinal de Rohan dans la fameuse affaire du collier de la Reine, et il est emprisonné à la Bastille. Soutenu par certains de ses élèves comme le Conseiller au Parlement Jean-Jacques Duval d’Eprémesnil et défendu par un excellent avocat, Jean-Charles Thilorier, il est reconnu innocent mais expulsé de France. Il retourne alors en Angleterre, puis en Suisse, enfin en Italie, d’abord à Venise, où il fonde une Loge, introduisant semble-t-il seulement alors les trois degrés arcaniques dans son propre rite. Mais il part ensuite pour Rome où il est emprisonné par la Sainte Inquisition en 1789 comme suspect de pratiquer la franc-maçonnerie.

Jugé et condamné à la peine de mort, en 1791, par la justice pontificale, sa peine est commuée en prison perpétuelle ; il est incarcéré dans des conditions terribles jusqu’à sa mort, en 1795, à la forteresse de Rocca di San Leo, près d’Urbino.

Cagliostro, élève de Luigi d’Aquino, se disant également l’élève du Comte de Saint-Germain, apporte donc le rite de la haute maçonnerie égyptienne en France, mais ce rite s’éteint assez rapidement, car en 1815, il ne reste plus que la Loge « La Vigilanza » , à Naples, et, en 1818, deux Loges en Égypte, qui dépendront d’ailleurs du Rite de Drovetti, la Loge « les Chevaliers des Pyramides » , au Caire, et la Loge « les Amis de la Concorde » , à Alexandrie.

Mais Cependant ce type de rite, hermétique et égyptianisant, tombait était tombé en terrain fertile, étant donné l’égyptophilie ou égyptomanie qui existait en France comme en Europe à la fin du XVIIIe siècle. Nous pouvons rappeler le roman « Séthos » de l’abbé Terrasson, qui eut une grande influence. Aussi, on ne s’étonne pas de voir fleurir plusieurs Ordres ou Rites se réclamant de l’Égypte, influencés par la littérature et par l’existence des Loges de Naples qui existaient depuis 1745 et dont bon nombre de Maçons connaissaient l’existence, soit indirectement, soit plus directement par l’intermédiaire du Baron de Tschoudy, puis de Cagliostro. Ces Rites, plus ou moins éphémères, auront parfois une influence importante. Nous citerons ainsi les « Architectes africains », ou « Crata Repoa », fondé à Berlin en 1760 par Von Koppen, et dont on connaît un Chapitre à Paris en 1777 ; les « Philalèthes », crées en 1779 à Paris, par Savalette de Lange, et surtout les « Philadelphes » de Narbonne. Ce Rite fut fondé par François-Anne, Vicomte de Chefdebien d’Armissan et ses six fils, avec patente octroyée le 23 mars 1780. Ce Rite sera particulièrement connu grâce à l’un de ses fils, François-Marie, Marquis de Chefdebien d’Armissan, qui en fut l’ardent propagateur, connu sous le nom de « Eques a Capite Galeato ».

Nous avons donc ici une première succession de trois pays décisifs pour l’émergence du Rite : l’Égypte, l’Italie et la France.

En 1798, un certain nombre de ceux qui accompagnent Napoléon lors de la Campagne d’Égypte faisaient partie ou avaient été membres de ces Rites, en particulier des Philadelphes. Ils fondèrent au Caire la Loge « Isis » , ce qui leur permit, semble-t-il, de prendre contact avec des notables égyptiens réputés comme initiés aux secrets des pyramides ; et c’est dans cette Loge que Gabriel-Mathieu Marconis est initié. Certains ont pu penser qu’il avait fait partie de la Loge des Philadelphes de Narbonne. Mais il semble bien, quand même, qu’il fut initié à la Loge « Isis » . On compte aussi, parmi ses membres, le Frère Lechangeur dont nous reparlerons, et le Frère Samuel Honis.

Après le retour d’Égypte, on voit surgir, en 1801, l’Ordre des « Sophisiens » , créé par Cuvelier de Trie, qui durera jusqu’en 1820, et, en 1806, les Loges « les Amis du Désert » , regroupant quatre Loges. Mais les plus surgeons les plus importants sont encore à venir :

Rite de Misraïm

En 1814, les frères Bédarride, Joseph, Marc et Michel, initiés tous trois à la Loge de compagne de l’armée d’Italie, « La Candeur » , importent en France un Rite dit de « Misraïm » , (le deuxième du nom, puisque le premier date de 1745 à Naples), avec une patente provenant d’ailleurs de Milan. Michel affirmait avoir été reçu Grand Conservateur du Rite, à Naples en 1810. En fait, il semble bien que ce soit Lechangeur qui ait créé le Rite de toutes pièces, avec l’aide d’un de ses amis qui se nommait Tassoni, à partir de quelques éléments glanés soit à Naples, soit à Venise auprès de l’ancienne Loge de Cagliostro. Selon certains chercheurs, Lechangeur aurait été pratiquement seul à la base de cette création, d’autres, comme Gastone Ventura, pensent au contraire que Tassoni était à la base de ce Rite. Ils écrivent une première échelle en 70 degrés, très influencée par la Kabbale. Cette échelle est complétée par le Frère Lassalle, dépendant des Loges de Naples, qui introduit alors des « Arcana Arcanorum » des 87e au 90e degré. On note toutefois que, dans un premier temps, même ces degrés terminaux sont seulement kabbalistiques, sans doute inventés pour la circonstance parce qu’ils ne possédaient pas, à ce moment-là, les véritables Arcanes.

Une deuxième ligne de transmission, ramenée de Naples par les Frères Joly, Gaborria et Garcia, semble bien introduire ensuite les Arcanes antiques de Naples dans ce Rite de Misraïm. Les Frères Bédarride développeront assez largement ce Rite au cours du XIXe siècle, en France, en Belgique et en Suisse.

Rite de Memphis

Presque en même temps, en mai 1815, Samuel Honis et Gabriel-Mathieu Marconis, lequel avait entre-temps épousé une demoiselle Nègre (son fils prendra le nom de Marconis de Nègre), fondent à Montauban, à partir de documents ramenés du Caire, la Loge « les Disciples de Memphis » et l’Ancien Rite Oriental de Memphis. Après 1816, il semble, d’après les écrits de Jacques-Étienne Marconis de Nègre, que son père, Gabriel-Mathieu, ait reçu de nombreux textes et le titre de Grand Hiérophante. Ce titre serait donc, si l’on suit Jacques-Étienne, issu directement d’Égypte.

C’est Jacques-Étienne Marconis de Nègre qui développera le Rite de Memphis en France, devenant le 2e Grand Hiérophante en 1838, ouvrant également des Loges en Belgique, en Angleterre, en Égypte, aux États-Unis, (charte à Harry Seymour en Juillet 1862), en Italie, en Espagne, en Australie, avant d’accepter, en 1862, la proposition du Grand Orient d’intégrer le Grand Collège des Rites. En fait, avant même de signer définitivement cet accord, en novembre 1862, il sera obligé de réduire les 96 degrés du Rite, tels qu’ils existaient à ce moment-là, en 33 degrés. Mais dès 1863, il voit son Rite, en France, réduit à ses trois premiers degrés, puis être mis en sommeil. Cette mise en sommeil ne sera cependant valable que pour la France. Et une Loge résistera, à Marseille, la Loge « les Chevaliers de Palestine ». Cette Loge gardera l’échelle complète de Memphis en 96 degrés, et ne fermera qu’en 1873.

Jacques-Etienne démissionne très rapidement du Grand Orient et décède en Novembre 1868.

L’Égypte reprendra le flambeau : en 1862, Refusant refusant l’accord signé par Marconis, son le Grand Maître d’Égypte, le Marquis de Beauregard, Substitut Grand Hiérophante, et en tant que tel, dépositaire du Rite, fait remarquer que ces accords n’avaient pas été contresignés par le Grand Chancelier, et sont donc par cela même non valides. Il refuse ainsi dès lors la simplification en 33 degrés.

En 11 Janvier 1874, Salvatore Avventure Zola est nommé 3e Grand Hiérophante, accepté par les Grands Conseils des différents pays, ayant été auparavant Grand Maître d’Égypte, puis Grand Maître Mondial.

Encore une fois, l’Égypte sera l’inspiratrice de la continuation du Rite, avec cependant quelques difficultés, dues aux problèmes politiques égyptiens de ce temps : le Marquis de Beauregard avait eu quelques différents avec le Bey d’Égypte, et le Rite entra en demi-sommeil en 1869. En 1872, Zola obtint l’autorisation du Khédive Ismaël de réveiller les Loges, mais son successeur, Ferdinando Francesco degli Oddi, sera obligé d’abandonner la Grande Maîtrise d’Égypte à Idriss Bey, en 1902.

C’est par Naples, après l’Égypte, encore une fois, que passera le Rite. Après la Grande Hiérophanie de Zola, le Rite est mis sous l’autorité du héros de l’indépendance l’unité italienne, Giuseppe Garibaldi et, d’une façon assez extraordinaire, c’est à Naples que la Grande Hiérophanie a été conférée à ce dernier.

Garibaldi, le 4e Grand Hiérophante, fut initié Franc-Maçon en 1844 dans la Loge française « L’Asile de la Vertu» , à l’Orient de Montevideo, et sera exalté à la maîtrise maçonnique en juin 1860, à Palerme. Le 11 avril 1862 il recevra les degrés 4 à 33 et sera installé Grand Maître du Grand Orient de Palerme. En Mai 1864, il est élu Grand Maître de la Franc-Maçonnerie italienne.

En 1876, le Grand Hiérophante S. A. Zola lui confère les 95e et 96e degrés de Memphis avec le titre de Grand Maître d’Honneur ad vitam du Souverain Sanctuaire d’Égypte. Il a également reçu la filiation de Misraïm, étant Président d’honneur de « l’Ancien Rite Égyptien Réformé » de Misraïm, et il est d’autre part membre honoraire du Souverain Sanctuaire américain de Memphis (présidé par Seymour) depuis 1865, et de celui de Grande Bretagne (présidé par Yarker) depuis 1872. Il est élu en septembre 1881 Grand Hiérophante de Memphis par une confédération de Souverains Sanctuaires puis, le 24 décembre 1881, il est reconnu ès qualités par le Souverain Sanctuaire Roumain de Memphis et Misraïm, carté charté par G.B. Pessina.

C’est au cours de sa direction, sa notoriété et son charisme en faisant le symbole idéal de l’unification, que sera effectuée la réunion du Rite de Memphis et de celui de Misraïm dans un Rite nouveau, le Rite de Memphis-Misraïm.

Étant donné le court laps de temps entre la nomination de Garibaldi en tant que Grand Hiérophante en septembre 1881 et son décès, dans son île de Caprera le 2 Juin 1882, il est évident que ce n’est pas lui qui a effectué la totalité de cette œuvre.

La réunion des Rites de Memphis et de Misraïm

La réalité du travail effectué est le fait de John Yarker, qui deviendra Vice-Chancelier des Rites Confédérés, puis 6e Grand Hiérophante. John Yarker avait obtenu, en 1872 une charte de Seymour, celui-ci ayant reçu sa propre charte en août juillet 1862 directement de Jacques-Étienne Marconis de Nègre, soit quatre mois avant la signature par Marconis des accords avec le Grand Orient. Seymour envoie cette charte à Yarker dans le but de réveiller le Rite de Memphis en Angleterre, les Loges anglaises fondées par Marconis s’étant mises en sommeil. Il lui envoie tout d’abord le Rite en 33 degrés, qui existe encore en tant que « Rite de Yarker », et que l’on peut encore retrouver au Canada par exemple, tel que Marconis avait dû le réduire en 1862, puis il lui communique le Rite en 96 degrés, ainsi que le Rite de Cerneau, et que le Rite de Misraïm. On comprend dès lors l’intérêt de Yarker pour l’unification des deux Rites, de Memphis et de Misraïm. Et c’est autour de lui, d’abord en tant que Vice-Chancelier des Rites Confédérés puis ensuite en tant que Grand Hiérophante, après Francesco degli Oddi, que de nouveaux initiés iront créer ou recréer des Grandes Loges : en Espagne en 1889, puis en France.

John Yarker deviendra à son tour Grand Hiérophante mondial, 97e, en 1902, (le 6e par ordre chronologique), et VIème Grand Maître Mondial, avec une fonction réellement effective sur l’Europe, le Grand Orient d’Égypte conservant un Grand Hiérophante de Memphis en la personne d’Idris Bey Ragheb.

Cette même année, Yarker délivrera à l’occultiste Théodor Reus (1855-1923) une charte constitutive d’un Souverain Sanctuaire et Grand Orient pour l’Allemagne et la Suisse pour Memphis et Misraïm, fondé aux côtés d’autres ésotéristes à l’image du médecin occultiste Franz Hartmann (1838-1912) et du Grand Maître Général honoraire, le chimiste Karl Kellner (1850-1905).

En France, si une loge misraïmiste L’Arc-En-Ciel est bien présente en 1896, il faudra attendre le Convent maçonnique parisien des rites spiritualistes de 1908, organisé par Gérard Encausse (1865-1916) dit Papus et son Ordre Martiniste pour voir Memphis-Misraïm s’inviter dans le paysage français via les Souverains Sanctuaires de Yarker représenté par Charles Detré (1855-1918) dit Téder et Theodor Reuss.

Α cette date, Papus est, depuis un an déjà, le délégué du rite de Misraïm d’Italie pour la France.

Le convent décidera de la création à Paris, d’un Suprême Grand Conseil et Grand Orient du Rite Ancien et Primitif de la Maçonnerie pour la France et ses dépendances, sur la base du Grand Orient de Berlin de Théodor Reuss, couvrant Memphis, Misraïm, Memphis-Misraïm et le rite Écossais de Cerneau.

La première Loge française de Memphis Memphis-Misraïm, en 1906, est la Loge « Humanidad » , chartée par le Grand Maître d’Espagne, Villarino del Villar. À partir de la décision de 1908, le chapitre INRI et la loge Humanidad de Paris travailleront au rite de Memphis.

Au décès de Yarker, en 1913, Théodor Reuss reprendra la Grande Maitrise Mondiale, alors que c’est l’italien Eduardo Frosini qui sera le 7e Grand Hiérophante.

Dans l’Hexagone, au décès de Papus, Teder, déjà amoindri par la maladie, lui succédera comme Grand Maître durant deux années avant de disparaître à son tour, laissant les pleins pouvoirs à Jean Bricaud qui constituera un Souverain Sanctuaire de Memphis-Misraïm via une patente de Théodor Reuss en 1919 (Grand Hiérophante mondial en 1913), réveillant la loge Humanidad à Lyon.

La vie de l’Ordre, qui voit dès lors la création de nombreuses loges, sera largement commentée par le biais des Annales initiatiques jusqu’en 1939.

Durant cette période, le rite de Memphis-Misraïm se vit, initiatiquement, de concert avec l’Ordre Martiniste.

En 1929 onze Grands Conservateurs signent une « Constitution et Règlements Généraux de l’Ordre maçonnique oriental du Rite ancien et primitif de Memphis-Misraïm » qui aura, en 1933, son Bulletin Officiel.

Bricaud développe le rite à l’étranger en délivrant des chartes à de Souverains Grands Commandeurs pour le Portugal, le Danemark, la Hollande.

En Italie Reginald Gambier MacBean (élu Grand Maître), Guiseppe Sullirao, et Giovanni Sottile réveillent à Palerme, en 1921, le rite de Memphis sur une charte du Grand Orient d’Égypte datant de 1876. Ces activités prendront fin avec les années noires précédant l’avènement du fascisme.

Au décès de Theodor Reuss, Jean Bricaud apparaît, de fait, comme l’autorité morale et spirituelle du rite.

En Belgique, le martiniste Armand Rombauts (90e par Jean Bricaud en 1920, puis 95e en 1931) développe la loge bruxelloise Les Disciples de Pythagore comptant sur ses colonnes Emile Dantinne (1884-1969), Imperator des rosicruciens belges et Jean Mallinger. Sous leur impulsion, cette loge deviendra mixte.

Jean Bricaud refusera de délivrer une charte constitutive de Souverain Sanctuaire et exigera la fermeture de l’atelier.

La branche belge décide alors la création d’un Suprême Conseil international cautionné par les français Probst-Biraben (95e) et Georges Lagrèze (futur Grand Hiérophante mondial en 1946) qui organisera les convents d’octobre 1933 et d’août 1934, entérinant la création d’une Grande loge nationale belge mixte, et le nouveau degré de 99e d’Armand Rombauts. (90 grades d’instruction et neuf degrés administratifs).

Ce dernier démissionnera de sa Grande Maîtrise en 1934, confiant ses prérogatives à Jean Mallinger, qui les rendra à son tour à son assistant Marc Lanval, laissant le rite tomber quelque peu dans l’oubli.

En France, cette année est marquée par la mort de Jean Bricaud (1934).

Constant Chevillon est reconnu Sérénissime Grand Maître ad vitam pour les pays de langue françaiseHenri-Charles Dupont devenant le Grand Administrateur du Rite, Grand Chancelier, et Grand Secrétaire Général en 1935.

Mais, toutefois, c’est Guérino Troilo, en Argentine, qui devient le 8e Grand Hiérophante et 8e Grand Maître Mondial.

Sous la férule de Chevillon se constitue le souverain Sanctuaire d’Helvétie, le 31 octobre 1936, et le convent de Lyon de 1938 voit l’initiation de femmes, membres du Droit Humain ou du rite mixte de Memphis-Misraïm, au sein de la loge féminine Passiflore n°2 à Marseille. Soucieux du rayonnement du rite hors frontières, il délivrera des patentes pour la Pologne, la Yougoslavie, l’Égypte, l’Algérie, la Grèce, le Chili, Madagascar…

La seconde guerre mondiale et l’occupation voient la mise en sommeil de nombreux ateliers.

Constant Chevillon, arrêté lors d’un dîner chez Mme Bricaud Lyon le 25 mars 1944, est retrouvé le corps criblé de balles quelques heures plus tard.

En Belgique, le grand maître Georges Delaive est lui aussi assassiné décapité en 1940 dans la cour d’une prison allemande.

Robert Ambelain, initié le 26 mars 1939 par une loge parisienne de Constant Chevillon (La Jérusalem des vallées égyptiennes), se rapproche de Lagrèze (alors proche de Camille Savoire et de René Wibaux) qui l’élève au 33e du rite écossais ancien et accepté en 1942, puis 66e en 1943, 90e et 95e en 1944, Substitut Grand Maître de son propre Souverain Sanctuaire et de sa loge Alexandrie d’Égypte qui deviendra Alexandrie, travaillant de manière isolée jusqu’en 1950.

L’après-guerre voit la restauration du Souverain Sanctuaire lyonnais dirigé par Henry-Charles Dupont qui cédera la Grande Maîtrise, à la fin de l’année 1945, à Pierre Debeauvais, pour revenir en 1947.

Lagrèze, pour sa part, devenu en 1946 Grand Maître Mondial et Grand Hiérophante (le 9e de chacune des lignées), milite, un an avant de mourir, pour un nouveau Souverain Sanctuaire de Memphis que dirigera Jean-Henri Probst (1875-1957) dit Probst-Biraben, donnant naissance en 1947 à La Grande Loge du rite ancien et primitif égyptien de Memphis pour la France.

Mallinger lui transmettra des archives, voire des secrets, l’incitant au réveil du rite de Misraïm en 1956, un an avant son décès.

Henri Dubois lui succède et forme un Suprême Conseil des ordres maçonniques de Memphis et de Misraïm réunis pour la France.

Henry-Charles Dupont nommera le 13 août 1960 à son domicile de Coutances (Basse-Normandie), en présence de Philippe Encausse, Robert Ambelain ” Grand Administrateur du rite ” dans le cadre du Souverain Sanctuaire lyonnais, désigné ” ipso facto ” comme ” le successeur à la charge de Grand maître du rite de Memphis-Misraïm pour la France et ses dépendances. “

En 1966, il n’existait qu’un seul grand courant obédientiel développé de Memphis Memphis-Misraïm, refondé à cette date par Robert Ambelain. Quelques autres courants minoritaires et marginaux existaient cependant.

Ce que nous avons voulu souligner ici c’est l’importance dans cet historique de trois pays, qui furent des piliers du Rite, l’Égypte, l’Italie, et la France, et ceci par trois fois : l’inspiration vient d’Égypte, la transmission est révélée en Italie, et la France se charge d’une bonne partie de la mise en œuvre. Ainsi pendant la campagne d’Égypte de Napoléon, en 1798, où il ne restait plus que de rares Loges du Rite de Cagliostro, ainsi après 1862 et la mise en sommeil du Rite de Memphis en France. Entre 1940 et 1945, la situation fut un peu différente : il resta toujours une Loge qui travailla pendant toute la guerre, à Paris, chez Robert Ambelain, la Loge « Alexandrie d’Égypte ».

Bien sûr, d’autres pays se sont chargés aussi de la transmission : les États-Unis et l’Angleterre, qui firent le lien entre le rite de Memphis de Marconis et l’énorme travail effectué par Yarker pour réunir les deux Rites de Memphis et de Misraïm sous l’égide de Garibaldi, l’Espagne qui a permis de faire revivre ce Rite Égyptien en France, en chartant la Loge « Humanidad », l’Argentine qui a sauvé, d’une certaine façon, la Grande Hiérophanie de la tourmente de la seconde guerre mondiale, puisque Guérino Troïlo fut le 8e Grand Hiérophante de 1933 à 1940.

C’est en fait l’existence même d’un pyramidion extraterritorial, le Grand Hiérophante, qui est le garant de la survivance du Rite et de sa maintenance dans la ligne de connaissance du travail alchimique interne et de la théurgie, mise en place à Naples au XVIIIe siècle, et donc par-là à de la fidélité du Rite à la filiation des mystères antiques, et cela, au moins, dans ses ultimes degrés.

Robert Ambelain et sa succession

Robert Ambelain assume la Grande Maîtrise Mondiale en 1965 et la Grande Hiérophanie en 1966. Il s’efforcera de réunir les différents courants se réclamant de Memphis-Misraïm, sans toutefois y parvenir.

Il transmet, dans la nuit du 31 décembre 1984, ses charges de Grand Hiérophante et de Grand Maître mondial à Gérard Kloppel.

Il rejoint l’Éternel Orient le 27 Mai 1997, à Paris.

Gérard Kloppel né en 1940, est initié en 1963 par la Loge Papus n°719 de la Grande Loge de France, à l’Orient de Paris, puis par la Loge Hermès de Memphis-Misraïm.

Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix, Grand Maître mondial de l’Ordre Martiniste Initiatique, le 29 octobre 1984, en succession de Robert Ambelain. Celui-ci lui transmet officiellement, le 31 décembre 1984, la Grande Hiérophanie.

Le temps des troubles :

Survient la grande scission de 1998, où une faction menée notamment par Richard Gaillard et Claude Vieilledent conteste la direction de Gérard Kloppel et jusqu’à la notion même de Grande Hiérophanie. La GLFMM se coupe alors en deux, les scissionnistes prenant le large et une partie de la GLFMM restant fidèle au Grand Hiérophante en titre.

En 1999, Gérard Kloppel souhaite se démettre de ses fonctions et passer la main, étant donné les récentes avanies subies de la part de membres de la hiérarchie de l’Ordre. Il choisit le Frère Cheickna Sylla, notaire ivoirien, de religion musulmane.

Cependant, sur les cinq dépôts constituant la transmission hiérophanique complète, Cheickna Sylla n’en n’a reçu que le premier. (Document Kloppel 12/02/2008, et témoignage du Fr JP P. à qui Kloppel avait déclaré à son domicile : « Je ne lui ai ouvert que la première porte des Arcanes »).

En fait Cheickna Sylla ne voulait considérer son héritage que comme Grand Maître Mondial. Or les deux fonctions sont indissociables. Gérard Kloppel a donc, pour divers motifs, destitué Cheickna Sylla le 2 Mars 2000.

Rappelons un autre témoignage du Fr. JP P, à qui Cheickna Sylla, interrogé sur les Arcana Arcanorum, avait déclaré en confidence lors d’une tenue de Souverain Sanctuaire National à Nantes : « J’ai brulé les documents parce qu’ils contenaient des éléments diaboliques. »

Se posait donc à nouveau la question de la succession, qui est restée des années comme en suspens, Gérard Kloppel ayant repris la direction du Rite, mais ne s’étant plus préoccupé par exemple, du devenir initiatique du groupe de Frères qui lui étaient restés fidèles au sein de la GLFMM.

Il décédera à Châteaurenard, en Provence, le dimanche 5 octobre 2008.

Michel Gaudart de Soulages, né à Pondichéry en 1948, initié en à la Grande Loge de France en 1967

3 février 2008: patente du TTSTFT Gérard KLOPPEL conférant au TTSTFT Michel GAUDART de SOULAGES la charge de Grand Maître Général ad vitam 97e degré du Souverain Sanctuaire International Régulier Égyptien.

À partir du décès de Gérard Kloppel, survenu le 5 octobre 2008, la succession des évènements amènent Michel Gaudart de Soulages à la Grande Maîtrise Mondiale et à la Grande Hiérophanie.

10 octobre 2008 : suivant les dernières volontés du TTSTFT Gérard KLOPPEL, avant de passer à l’Orient Éternel, est créé un collège de la Grande Hiérophanie du Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm et de l’Ordre des Rites Unis de Memphis & Misraïm, partagée entre le TTSTFT Michel GAUDART de SOULAGES, Grand Hiérophante ad vitam pour la Maçonnerie Régulière et Joseph CASTELLI, Grand Hiérophante ad vitam pour la Maçonnerie Universelle.

7 novembre 2008 : déclaration de la Confraternité hermétique Rosae+Crucis d’Héliopolis et de Memphis reconnaissant que le seul et unique Grand Maître et Grand Hiérophante du Rite est le TTSTFT Michel GAUDART de SOULAGES. Celle-ci sera suivie dans les semaines qui suivent par les déclarations de seize autres structures initiatiques.

28 novembre 2008 : lettre du TTSTFT Michel GAUDART de SOULAGES au TTRTFT François STIFANI, Grand Maître de la GLNF, rappelant que le rôle de Grand Hiérophante ad vitam n’est pas celui d’un Grand Maître Mondial exerçant un pouvoir temporel, mais celui d’une autorité morale et spirituelle, conservateur du Rite.

Le TTSTFT Michel GAUDART de SOULAGES est donc le 12e Grand Hiérophante du Rite.

15 février 2009 : communiqué du Grand Hiérophante annonçant un symposium Memphis-Misraïm à Versailles et rappelant avoir reçu personnellement du TTSTFT Gérard KLOPPEL, dans la lignée du TTSTFT Robert AMBELAIN, ainsi que de Frères Aînés, la totalité du secreto secretorum des arcana arcanorum dont il est, au sein du Rite, le seul dépositaire.

18 février 2009 : communiqué du Grand Hiérophante invitant au symposium Memphis-Misraïm à Versailles et précisant que le TTSTFT Joseph CASTELLI, suite à sa demande, se mettait en disponibilité de sa charge de Substitut Général.

16 juillet 2009 : déclaration inconséquente du TTSTFT Joseph CASTELLI, s’attribuant le titre de Grand Maître Mondial (sic), et prétendant destituer le Grand Hiérophante de sa charge ad vitam !

6 août 2009 : décret du Grand Hiérophante es qualité constatant que Joseph CASTELLI, à l’égard du Rite, s’est ramené à la vie profane et le radiant en conséquence de tous titres, fonctions et charges au sein du Rite Ancien et primitif de Memphis-Misraïm et de l’Ordre des Rites Unis de Memphis & Misraïm.

30 août 2009 : déclaration solennelle des dignitaires de divers pays assemblés autour du Grand Hiérophante ad vitam, conservateur suprême du Rite, rappelant qu’ils se sont placés sous son autorité spirituelle et réaffirmant le rôle souverain des Grandes Loges Nationales pour l’administration et la gestion quotidienne dudit Rite.

Jusqu’à ce jour, toute l’œuvre du 12e Grand Hiérophante a consisté à continuer à réunifier les divers courants de Memphis Misraïm et à transformer la Grande Hiérophanie en une École de Mystères. De nombreux accords de reconnaissance ont été signés et diverses Loges et courants égyptiens se sont intégrés au rite Ancien et Primitif de Memphis Misraïm guidé par la Grande Hiérophanie Mondiale.

Annexe : Liste des Grands Maître Mondiaux et des Grands Hiérophantes

  1. Grands Hiérophantes

Grands Hiérophantes mondiaux des Rites de Memphis, de Misraïm, du Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm et de l’Ordre des Rites Unis de Memphis & Misraïm :

  1. 1815 Gabriel-Mathieu Marconis (France) 1750-18??
  2. 1838 Jacques-Etienne Marconis de Nègre 1795-1868 (France)
  3. 1874 Salvatore-Avventore Zola (Égypte)
  4. 1881 Giuseppe Garibaldi 1807-1882 (Italie)
  5. 1900 Ferdinando-Francesco Delli Oddi (Italie)
  6. 1902 John Yarker 1833-1913 (Grande Bretagne)
  7. 1913 Eduardo Frosini 1879-1933?(Italie)
  8. 1934 Guérino Troilo 1890-1940 (Argentine)
  9. 1944 Georges Bogé de Lagrèze ✝1946 (France)
  10. 1966 Robert Ambelain 1907-1997 (France)
  11. 1985 Gérard Kloppel 1940-2008 (France)
  12. 2008 Michel Gaudart de Soulages 1948- (France)
  13. Grands Maîtres Mondiaux

Grands Maîtres Mondiaux du Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm :

  1. 1838 Jacques-Etienne Marconis de Nègre 1795-1868 (France)
  2. 1869 Joseph marquis de Beauregard (Égypte)
  3. 1874 Salvatore-Avventore Zola (Égypte)
  4. 1881 Giuseppe Garibaldi 1807-1882 (Italie)
  5. 1900 Ferdinando-Francesco Delli Oddi (Italie)
  6. 1902 John Yarker 1833-1913 (Grande Bretagne)
  7. 1913 Théodore Reuss (Allemagne) 1855-1923
  8. 1933 Guérino Troilo (Argentine) ✝1940
  9. 1945 Georges Bogé de Lagrèze 1882-1946 (France)
  10. 1966 Robert Ambelain 1907-1997 (France)
  11. 1985 Gérard Kloppel 1940-2008 (France)
  12. 2008 Michel Gaudart de Soulages 1948- (France)
  13. Grands Maîtres de France

Les dénominations semblent avoir varié, de Grand Maître National, 96e, à Grand Maître Général de France 97e

  1. 1908 Gérard Encausse, dit Papus. Grand Maître pour la France 96°
  2. 1916 Charles Detré dit Teder. Grand Maître pour la France 96°
  3. 1918 Jean Bricaud. Grand Maître Général pour la France 96°
  4. 1934 Constant Chevillon, ✝25 Mars 1944. Substitut Grand Maître en 1932,
    Souverain Grand Maître Général 96° en 1934
  5. 1944 Charles Henry Dupont, ✝1 Octobre 1960. Grand administrateur du Rite en 1935,
    Souverain Grand Maître Général 96° 1944
  6. 1960 Robert Ambelain. Grand Maître du Rite de Memphis-Misraïm pour la France et ses dépendances 97° (par Dupont)
  7. 1985 Gérard Kloppel. Grand Maître Général pour la France 97° (puis Grand Maître Mondial et Grand Hiérophante 99°)
  8. 2008 Michel Gaudart de Soulages